Allocution de

GEORGES KASSARDJI
Député au Parlement libanais

Messieurs,

En premier lieu, il est indispensable de remercier tous ceux qui ont contribué, travaillé et organisé ce congrès pour l'Arménie et de remercier leurs efforts, les Arméniens s'en souviendront pour toujours.

Messieurs,

Quelques jours auparavant la France et l'Allemagne, les deux pays voisins qui ont été témoins des guerres violentes entre eux, ont célébré la quantième année de la convention commune qui a mis fin à la guerre destructrice des deux pays, de l'Europe et du monde.

Que pouvons-nous peuple arménien déduire de cette expérience internationale riche et pleine de morales ? Comment pouvons-nous en tirer la morale qui aiderait le jeune état arménien, le peuple arménien (…) ?

A - du point de vue de l'Etat arménien

Les changements internationaux, surtout la chute de l'Union soviétique ont aidé l'Arménie à récupérer son indépendance et sa souveraineté et à retrouver ses frontières internationales actuelles.

L'Arménie, le jeune Etat, commence par se comporter sérieusement avec les nouvelles données internationales, révélant jour après jour sa capacité à supporter la responsabilité, s'imposant, supportant les conséquences de son comportement, exécutant avec dévouement et loyauté, accomplissant ses obligations imposées par le Droit International Privé et Public.

Malgré ce superbe comportement, joignant les normes internationales, il faut exposer quelques remarques indispensables pour l'intérêt de ce pays, dont les plus importantes sont les suivantes:

1° - travailler pour une vraie démocratie

Seule la vraie démocratie protège l'Arménie, et la démocratie n'est qu'une échelle à plusieurs marches, chaque bon pas dans la construction interne élève, difficilement, la société arménienne, alors q'un mauvais pas le fait facilement retomber. S'élever est bien plus difficile.

L'Arménie qui a tant souffert le siècle passé de l'absence de démocratie, doit construire les normes de cette démocratie, une rangée au-dessus de l'autre par le principe de l'intermittence du pouvoir, résultant des élections libres et intègres offrant l'occasion de candidature à tout le monde.

Des élections libres et intègres offrant à tout le monde, l'occasion de candidature et de vote et aboutissant à une vraie autorité législative et exécutoire.

L'intermittence du pouvoir ne doit pas se limiter à un même parti et une opinion mais elle doit aussi englober l'opinion opposée et l'avis de l'autre.

La démocratie c'est que la majorité doit prendre en considération l'avis de la minorité, sans s'appuyer sur la majorité pour torturer la minorité, fixant l'état de loi et des établissements limitant le travail des appareils de sécurité à la constitution, à la loi et aux limites des libertés publiques et privées et les droits de l'homme.

2° - le travail pour un Etat moderne:

Le peuple arménien, après toutes ses souffrances a le droit de jouir d'un Etat moderne qui mette en valeur la dignité de l'homme et assure au citoyen l'eau, l'électricité, la communication, les routes et l'infrastructure nécessaire.

Comme il a le droit de profiter d'une administration développée basée sur la mécanisation et la modernité, de sentir la vraie réforme administrative qui se base sur le changement du système administratif se basant sur le principe de " l'homme convenable à la place convenable ".

Formant une administration développée dans un Etat moderne visant à lutter contre la perversion et la corruption, présentant les services publics et privés du citoyen en tant qu'obligation et droit non en tant que faveur sans aucune différence entre l'un et l'autre.

3° - le travail à protéger et encourager les investissements:

L'Arménie souffre d'une crise académique, d'une période stagnante, nécessitant à tout prix une réforme financière et économique, cette situation a une mauvaise influence sur les secteurs agricoles, industriels, commerciaux, et autres secteurs de service, visant toujours aux investissements venant de l'extérieur, comme elle a besoin d'autres investissements surtout les investissements des arméniens de l'étranger, en plus d'autres investissements étrangers.

Mais, afin d'assurer l'investissement des capitaux en Arménie, il faut protéger et encourager les investissements dans une stratégie générale assurant la stabilité, le travail selon les lois non circonstancielles, des lois qui durent, empêchant le retrait des signatures sous prétexte de changement gouvernemental. Une stratégie qui protège les sociétés internationales des différentes vexations, des luttes pour le pouvoir et des interventions qui aboutissent parfois même à la menace afin de participer avec les hommes autoritaires sans participer aux pertes.

4° Concernant la protection de la victoire au Nagorny-Karabagh

La protection de la victoire au Nagorny-Karabagh ne se fait pas par la force des armes et le potentiel militaire seulement. En principe, ceci devrait se faire en développant cette entité, en promouvant les niveaux de ses infrastructures, renforçant les aptitudes de la résistance de ses citoyens, encourageant sa puissance économique et en y procurant le minimum nécessaire.

De même, cette victoire serait protégée en effectuant des négociations intrépides avec l'Etat d'Azerbaïdjan en vue d'aboutir à une solution définitive, qui se baserait sur l'identité arménienne de cette région, en plus de l'adoption du principe soulignant que cette terre revient bel et bien à ses habitants, sans pour autant oublier que les grandes solutions exigent toujours des braves, mais qu'elles doivent prendre en considération les aptitudes du peuple de cette région, de celle du peuple arménien, en plus des conditions tant régionales que mondiales.

5 ° - Vis-à-vis de la politique restreinte et nuisible des axes internationaux:

La situation géographique de l'Arménie entre la Turquie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et l'Iran, l'aggravation de la puissance russe dans toute la région, en plus de l'empire ou de l'attaques des Etats-Unis d'Amérique et son désir de contrôler le pétrola et le gaz de la mer Caspienne, situation permanente au Nakhitchevan, impose cette impasse compliquée et critique exige que l'Arménie soit prudente et posée pour pouvoir se mouvoir entre les points, car chaque mauvais pas, impulsif impliquerait un prix colossal. Il se peut que l'Arménie soit le pays ou l'Etat de l'histoire contemporaine qui ait payé le plus cher les coûts des politiques des axes, surtout en 1915.

Or, nous en portons le joug et les impactes jusqu'à nos jours.

Apprenons la leçon d'après notre expérience (…) ; Ayons recours à toute notre sagesse, réflexion et moyens internationaux légaux en vue de protéger le jeune Etat arménien.

Pour sa part, l'Etat arménien doit, dans l'esprit de la convention "Germano-Française" susvisée, traiter avec la Turquie comme un Etat voisin, et entretenir des relations de bon voisinage, en adoptant les principes d'égalité des intérêts communs, le respect de l'intégrité et de l'indépendance de chacun des deux Etats, vu que la politique de vengeance n'est plus applicable, car les entretins entre les Etats ne peuvent pas se faire sur la base de la vengeance, sinon qu'adviendrait-il du Monde ? Comment serait son image si la Chine voulait se venger du Japon, de la Pologne, de l'Allemagne, ou la France de l'Allemagne, La Finlande de la Russie et les pays des Balkans les uns des autres ?

La politique de vengeance implique des résultats et impacts internationalement refusés. Cependant, ce qui est le plus refusé c'est le terrorisme qui n'est point le bon moyen pour obtenir des droits, puisqu'il y a des moyens autorisés et applicables au niveau international pour faire reconnaître au monde entier les massacres subis par l'Arménie.

A un moment donné, certaines organisations ont été accusées de terrorisme. Cependant, il est temps d'effacer cette accusation, de couper court à ceux qui tendent à adopter cette méthode. Il faut que l'Arménie reste le plus loin possible de cette approche et de ces organisations arméniennes.

Que l'Arménie soit comme la Suisse : nouvelle et non-alignée, au sein de la région à haut risque, vu que le neutralisme de la Suisse lui a été très utile.

B - En ce qui concerne les Arméniens en Diaspora

Les fils de l'Arménie sont éparpillés du fait des massacres turcs et suite à la perte de l'indépendance et de l'intégrité de l'Arménie tout au long du siècle passé. Les Arméniens sont éparpillés de par le Monde, après avoir souffert l'expatriation, la misère, l'injustice et les difficultés de vie.

Pour cela, les remarques suivantes semblent nécessaires pour discuter de la situation des Arméniens de Diaspora.

Premièrement : l'incorporation et l'intégration avec les citoyens de ces pays:

Il n'est plus possible, après plus de cent ans, suite aux premières expatriations, que les Arméniens, qui ont été expulsé de la Turquie, pour se réfugier dans les pays voisins, continuent à vivre dans le cadre des " Ghetto " qui ne sont rien d'autres que des camps de réfugiés (…).

Nous ne vivons que nos problèmes arméniens, nous sommes introvertis. Nous n'œuvrons pas pour nous développer et nous intégrer avec l'environnement et l'entourage social. Ainsi les dites régions et quartiers, qui entourent les capitales où nous nous sommes réfugiés, sont liés à cet isolement. A Téhéran, en Iran, il existe un camp pour les Arméniens, Damas, capitale de la Syrie, renferme un camp. Dans notre chère Jérusalem (…). A Beyrouth, au Liban, nous n'avons pas œuvré en vue de quitter ou de sortir de Bourj Hammoud et des " camps " pour nous développer de meilleure façon, Liban qui a été parmi les premiers pays de la diaspora à nous octroyer des droits humains, sociaux, économique. Nous y avons été traités comme si nous étions les époux des libanais originaires. Le plus important est que ce pays nous a consacré, par des lois qui ont suivi, nos libertés politiques et organisationnelles à pied d'égalités avec toutes les catégories libanaises.

Nos partis et organisations ont travaillé avec une liberté absolue. Nous avons eu la chance de contribuer à la vie politique générale. Nos représentants ont été élus, au niveau national comme au niveau des associations locales.

Ainsi, depuis 1943 nous avons nos propres députés au sein du pouvoir législatif.

Actuellement, nous comptons six députés parmi les 128 de la Chambre libanaise, ainsi que des ministres (…).

De même, nous avons des maires, des directeurs généraux auprès des Administrations publiques, de grands officiers de l'armée, des juges au sein du pouvoir judiciaire…

Si nous étudions la carte en soulignant les villes où vivent des Arméniens (…), nous vérifions que notre isolement est le même partout (…).

Deuxièmement, la première des apparences d'incorporation est l'expression en une seule langue maternelle:

Notre langue n'est point affaiblie par le fait d'apprendre la langue maternelle du pays où nous vivons mais par contre il nous est indispensable d'apprendre et de pratiquer la langue du pays qui nous accueille et de préserver notre patrimoine, nos coutumes et notre langue tout en pratiquant et en utilisant la langue du pays où nous vivons.

Je ne peux imaginer qu'un Arménien pourrait vivre en France sans pratiquer la langue française, incapable de se débrouiller et d'achever ses transactions à cause de cette lacune. De même pour un Arménien qui vivrait en Angleterre ou aux Etats-Unis, ou ailleurs…

Pour cela, bien que je puisse facilement m'exprimer en arménien, j'ai préféré la langue arable pour insister sur ce côté d'intégration, poussant mes frères arméniens vivant dans les pays arabes à apprendre cette langue vivante, prouvant notre appartenance aux pays où nous vivons.

Je ne trouve aucun mal à déclarer que je suis libanais, arabe d'origine arménienne, puisque le Liban est ma dernière patrie, et puisque le préambule de la constitution libanaise affirme que le Liban est le pays de tous ses concitoyens.

Troisièmement : lutter contre l'extrémisme de l'intégration:

La plupart des extrémistes sont ou bien religieux, ou nationalistes. Le problème devient plus grave lorsque la religion et le nationalisme se rencontrent, nous ne pouvons pas nous intégrer dans une société en appliquant un extrémisme religieux et national.

Cela ne signifie pas que nous oublions nos conceptions, notre histoire, notre patrimoine, mais au contraire nous donnons à ces conceptions un esprit contemporain cherchant ce qui est "commun" pour le fortifier, afin d'établir un dialogue de civilisation avec d'autres personnes et d'autres confessions visant à rapprocher l'homme de l'homme, la coopération entre les hommes quelle que soit sa couleur, sa race ou sa religion.

L'extrémisme aboutit à la haine, au désir de vengeance qui aboutit ensuite au terrorisme, loin des moyens autorisés.

Les Arméniens, dispersés dans le monde veulent vivre en commun avec les sociétés voisines puisqu'ils ont un intérêt d'intégration.

Conclusion :

J'espère que ces mots ouvrent un débat sérieux, ouvrant un nouvel horizon à l'Etat arménien, au peuple arménien dans les pays de dispersion, même si ce terme n'est plus adéquat aujourd'hui.

Je remercie les organisateurs et je vous souhaite bonne chance dans vos travaux, et une réussite permanente.




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